Splendid Hôtel
Splendid Hôtel est le premier livre de Marie Redonnet. Un roman qui est aussi le premier volet d’un triptyque continué avec Forever Valley et Rose Mélie Rose.
Elles sont trois sœurs à habiter le « Splendid Hôtel », un hôtel construit jadis par la grand-mère à l’orée des marais. La narratrice est la plus jeune. Elle gère l’hôtel où habitent aussi Ada, qui est malade, et Adel, qui se veut comédienne. La plus jeune raconte – une voix intérieure qui s’adresse aussi au lecteur – les difficultés à tenir le « Splendid Hôtel » qui supporte le poids des années avec d’innombrables problèmes de tuyauterie et une clientèle de professionnels qui varie en fonction des étapes du projet de construction d’une ligne de chemin de fer. La plus jeune est confrontée aussi au caractère versatile de ses sœurs qui ajoute au tracas de faire vivre l’hôtel, lieu essentiel du roman familial, qui ne peut se concevoir sans le marais, autre entité de la vie de cette famille de femmes. Le marais qui capte toute l’attention des prospecteurs, des géologues, des hommes du chantier. Le marais et ses fièvres ; le marais, la digue et son cimetière.
Splendid Hôtel est un très beau roman sur la solitude des femmes, l’incertitude des perspectives de l’activité humaine, la patience face à l’adversité.
DULLA
Candy Story
Candy Story est l’histoire de Candy, l’histoire de Mia que certains appellent Candy – certains hommes, qui décide d’appeler son deuxième roman Candy Story.
De quoi est faite cette vie ? D’abord d’une proximité avec Ma, née comme elle un 21 juin, jour de la Saint-Jean, célébration de l’été. Mia est l’héritière de Ma et s’en va par le train de nuit vers Sise et City Sise où s’est passée une grande partie de la vie de Ma. Le voyage nocturne emmène aussi le lecteur qui apprend beaucoup sur les lieux fréquentés par Ma et Mia et les liens de parenté et d’amitié qui se sont noués au fil du temps.
Sise est située au bout d’une presqu’île. City Sise, ville nouvelle, a été construite sur le marais assaini. On y a bâti un ensemble de trois institutions de villégiature : le « Paradiso », le « Casino », le « Palais de la Mer ». À Sise, c’est l’ « Hôtel de la Mer » qui est l’endroit historique. Au large de Sise, deux îles : l’Île aux Morts et l’Île aux Oiseaux. Mia a écrit un premier roman : « Sise memories » où elle relate le théâtre de la vie intense menée dans ces deux villes liées irrémédiablement. Dans Candy Story, la vie continue à travers une sorte de roman familial, de la concurrence acharnée aussi entre deux écrivains liés à deux maisons d’éditions, Boston et Moreno, et des jeux de miroirs captant les désirs et les vanités des hommes et des femmes.
Comment réaliser sa vie ? Dans la transmission d’une histoire imaginaire, via le monde du cinéma ou carrément dans l’imitation des rôles inventés dans les films, pour découvrir sa vraie nature ?
Pourquoi Mia se satisfait-elle d’être Candy, un pseudo qui la protège et la fait exister dans le regard des hommes, qu’ils soient romanciers, journalistes, réalisateurs ou policiers d’Interpol ? Sans doute parce que ce prénom, seul, lui permet d’écrire un livre où le sentiment d’amour et la profonde affection sont les vrais sujets de ce beau roman de Marie Redonnet.
DULLA
Diego
Diego est un clandestin. Clandestin d’abord par sa décision de plonger dans la clandestinité par nécessité de mener la lutte révolutionnaire au sein du « Mouvement » à Tamza, pays africain. Clandestin ensuite parce qu’après des années de prison, Diego décide de venir en France et qu’il s’y retrouve sans papiers.
Les liens avec le pays (Tamza) ne sont pas rompus, et ce sont ces liens avec la famille, avec les amis du Mouvement qui permettent à Diego de trouver un abri. Une première fois dans une gare en banlieue parisienne, puis dans la pension de Madame Zabée où les pensionnaires sont des travestis.
Les circonstances aidant, Diego va pouvoir concrétiser son rêve de toujours : écrire un scénario, voire réaliser un film. Et c’est ce qui va se passer : en prenant appui sur son double, un être de fiction qui lui permet de vivre à un moment particulièrement douloureux, Diego est en situation de tourner un film où se retrouvent les hommes et les femmes qui ont ponctué les étapes de sa vie. Une vie de lutteur et de passion. Une vie d’homme.
DULLA
Doublures
Marie Redonnet offre à la lecture un recueil de 12 contes sur le thème du double. En soi, derrière soi, devant soi, chaque personne et chaque personnage possèdent un double qui le complète, qui l’effraie, qui le sauve, ou qui se substitue à elle ou à lui.
Six personnages masculins et six personnages féminins alternent dans un jeu de dédoublement qui peut dans certaines circonstances se dédoubler non pas à l’infini, mais jusqu’au moment où la situation physique, le caractère moral ou immoral, la décision ou l’indécision des êtres humains bloquent le processus de transmission de l’un à l’autre.
Le lecteur se retrouve alors dans un magasin de jouets avec Lia, Mure et Lure ; aux côtés de Lii, le matelot, et du jeune charpentier ; de Gal l’acrobate et de son geste ultime en fidélité au vieux nain ; de Gil, le boucher dans son odyssée glauque ; de Gem et Ger, dans un pur jeu d’actrice et d’acteur en miroir ; de Gim, le charbonnier et de l’avenir de la boulangerie. Le lecteur suivra aussi les aventures de Sil et Sig surpris par la marée ; celle de Sim le forgeron ; de Lam, de l’orphelinat au bar du port et de son imitation de la chanteuse Lem ; de Lim et Nim où est louée la persévérance ; de Nel et les danseuses ; de Nil dans une histoire de magasins de tailleurs pour hommes et femmes où jouent à plein la concurrence et la jalousie.
Doublures est un très beau livre de contes où les thèmes chers à Marie Redonnet surgissent çà et là et resurgissent pour couper court aux obsessions.
DULLA
Forever Valley
Forever Valley est le récit qu’une jeune fille sans nom – du moins pour le lecteur – mais pas sans projet, puisqu’elle en possède un : chercher les morts autour d’une église qui est plutôt une chapelle, à Forever Valley, hameau situé à mi-hauteur entre le col de la montagne et la ville d’en bas.
La jeune fille qui ne sait ni lire ni écrire aide le père, curé de cette église, gagné par la paralysie. Celui-ci la confie à Massi, veuve du maire de Forever Valley au temps où le hameau était un village. Massi la forme pour la seconder dans l’activité qu’elle a créée : l’animation d’un « Dancing » où se retrouvent les douaniers de la ville d’en bas, les bergers et les filles de la laiterie. Un dancing avec des chambres à l’étage où hommes et femmes continuent la soirée après la danse.
Forever Valley témoigne de l’identité de cette jeune fille, fidèle aux autres, possédant un « quant à soi » déterminé, exprimant une réflexion intérieure faite de commentaires brefs, incisifs et décisifs, de chaque situation vécue, de chaque action assumée. Quand le travail de la jeune fille aboutit à faire vivre le cimetière, la disparition du hameau est alors programmée.
De quel héritage, les hommes sont-ils porteurs ?
DULLA
La femme au colt 45
Lora possède un colt 45 donné par son père et sait s’en servir. Elle était actrice au Magic Théâtre en Azirie, l’épouse de Zuka, le directeur et metteur en scène, qui a été arrêté, et la mère de Giorgio qui a rejoint le mouvement insurrectionnel combattant le général Rafi.
Lora est la narratrice du récit qui la concerne. Elle parle à la 1ere personne du singulier. Elle raconte au lecteur, peut-être même aussi au narrateur qui s’exprime en forme de didascalies, l’histoire de sa fuite en Santarie, le pays voisin, et des aventures où elle se trouve plongée. Lora se voit parfois comme dans un film quand il lui arrive les événements qu’elle traverse et qui la traverse. Les dire ensuite leur donne consistance et matière, comme si seuls les mots pouvaient donner forme et force à la réalité.
La réalité, c’est l’emploi de serveuse dans un camion pizza, celui d’employée dans une librairie « Les Etoiles filantes » qui sera vendue par un spéculateur, et finalement animatrice de l’atelier théâtre qu’elle crée à l’instigation de Nina Pratz. Nina Pratz est une femme qui a mis en œuvre un projet : mettre à disposition des jeunes de Santarie un bateau, l’« Arche de Noé » et l’Île aux Oiseaux.
Il s’ensuit un drame qui conduit Lora en prison. Mais autant le dire tout de suite, elle sera acquittée. Il restera à Lora Sander à faire ses preuves sans le Colt 45 qui rejoint les fonds du fleuve.
Un livre somptueux, le dernier de Marie Redonnet, publié en novembre 2015. Comme une épure.
DULLA
L’accord de paix
Un accord de paix a été signé entre l’État de Ruido et le Mouvement de Libération de la Province de Port l’Etoile. Un accord qui repose sur la possession par l’État d’un trésor symbolique. Le chef du Mouvement de Libération, Johnny Lo est nommé gouverneur de cette province où sont situés Port l’Étoile Ouest et le Massif des Ombres.
Les bergers qui ont aidé Johnny Lo dans sa lutte comptent bien s’appuyer sur lui pour développer la Haute Vallée. Olga, la belle tenancière de la buvette est envoyée en ambassadrice. Elle descend à Port l’Étoile accompagnée de sœur Marthe, une religieuse qui a décidé de rompre ses vœux et de quitter la Chartreuse des Anges.
À Port l’Étoile Ouest, il y a le Refuge où père Jean s’occupe d’enfants abandonnés. Le « Refuge » intègre aussi une infirmerie où viennent se faire soigner les filles du dancing tenu par Monsieur Li. Le « Refuge » porte l’espoir de Tino, le clown, et Tina, l’acrobate, de refaire vivre le cirque qui existait jadis sur le terrain vague attenant.
Mais le gouverneur voit les choses autrement : création d’une école expérimentale, projet immobilier autour du Palais de l’Image, aménagement d’une marina. Sœur Marthe qui a découvert le secret de sa naissance auprès de père Jean reste toujours sujette à des visions qui la guident dans ses initiatives. Malgré les événements dramatiques qui parsèment son chemin, elle réussit à toujours trouver les réponses pragmatiques aux situations les plus compliquées. Ses interventions après le viol et l’assassinat des sœurs de la Chartreuse des Anges par des militaires, après l’emprisonnement des bergers et celui de Jimmy Do, l’ancien allié de Johnny Lo, après la prise d’autonomie des filles du dancing gérant maintenant les bains douches de Port l’Étoile Ouest, contribuent puissamment à rendre effectif l’accord de paix.
L’accord de paix est un roman formidable où le lecteur s’attache à plusieurs autres figures : Lola, la tenancière du « Miramar », Monsieur Hito qui peint des copies de chefs-d’œuvre, Gaspard, le bibliothécaire traditionnel, Matty, le gentil trafiquant, Luisa, la jeune aveugle mariée à un gitan, docteur Clara, la gynécologue, Lisbeth O’Nell, la romancière qui anime au « Refuge » un atelier d’écriture, et aussi sœur Blanche, la disparue, sans qui, toutes ces aventures ne seraient pas apparues.
DULLA
Nevermore
Santa Rosa, une ville en bord de mer avec un club, le « Babylone » installé dans un ancien paquebot, un cinéma, l’ « Eden Palace » dont le nom correspond au titre d’un film. Il y a aussi deux banques, un cirque, trois bateaux, le « Moby Dick », le « Mangor » et le « Salve Regina ». Les personnages vont et viennent dans ces lieux, et l’histoire de leurs rencontres est aussi l’histoire des tensions entre les hommes et les femmes dues à leur passion de la possession et du pouvoir.
Santa Rosa est une cité proche de Santa Flor dont le souvenir du camp de la mort, aujourd’hui disparu, pèse sur la manière de voir et de faire de Willy Bost, le policier qui rejoint à son corps défendant le poste qui lui est imposé. Il décide de noter le présent dans un carnet afin d’échapper au passé.
Après une succession d’assassinats et de meurtres Willy Bost tentera d’écrire le livre qu’il ne veut pas écrire de peur d’être confronté à un passé épouvantable. Il renoncera pourtant à écrire « Nevermore » après une nuit de la Saint-Jean terrible. Il restera un nouveau club, le « Nevermore », accueillant des chanteuses – la grand-mère de Lizzie Malik et Cassy McKey qui jadis composa des chansons en prison – et des acrobates ; club créé par Fabio, trouvé tout petit par Nino, le nain, et Nina, la géante, à la porte de leur roulotte il y a bien longtemps.
Nevermore témoigne d’une évidence certaine, découverte par le supérieur de Willy Bost, le commandant Roney Burke : le grand ennemi de l’amour est la passion. Pour entraîner le lecteur à adhérer à ce point de vue, Marie Redonnet, fidèle à elle-même, mène le roman à un train d’enfer avec une succession d’événements, un foisonnement de situations, des ouvertures vers d’autres séquences et scènes qui sont un ravissement de lecture.
DULLA
Rose Mélie Rose
Mélie a été trouvée dans une grotte près des Cascades par Rose qui tient son « Magasin de Souvenirs ». A la mort de Rose, Mélie descend vers Oat, une presqu’île reliée au continent par une lagune. Mélie a douze ans et fait des rencontres qui marquent sa vie : un chauffeur de camion, Mademoiselle Marthe, Pim, élève-officier de marine, le photographe, le brocanteur, le bibliothécaire, et surtout Yam, un jeune marin pêcheur.
Toute une vie se dégage des chemins peu tracés dans ce petit port lié au continent, continent qui apparaît comme l’avenir et la modernité ; mais la découverte par Yam d’un chenal nourrit l’imaginaire et la légende, et insensiblement et à son insu, le regard de Mélie se déporte vers une voie de retour comme si l’éternel retour des destins suffisait à vaincre la mort.
Rose Mélie Rose est une invitation faite au lecteur d’accompagner des personnalités étranges qui tentent de résister au temps qui passe, temps qui défait les souhaits et tord les volontés. Dans le style haletant qui scande la parole de Mélie se joue l’innocence de l’humanité, la confiance dans les êtres humains et l’ancrage d’un esprit tenace.
Ce court roman clôt la trilogie commencée avec Splendid Hôtel et qui pourrait être qualifiée de « vies des femmes ordinaires, donc illustres ». Une trilogie fantastique de vérité tant l’écriture est poignante.
DULLA
Tir et Lir
Marie Redonnet affectionne ces prénoms courts qui tintent et assonent deux à deux.
C’est le lundi que Mub et Mab, père et mère de Tir et Lir, leur garçon et leur fille, reçoivent une lettre de leurs enfants, et qu’ils leur répondent. La pièce de théâtre est ainsi faite de dix parties intitulées premier lundi, deuxième lundi, etc. jusqu’au dixième lundi.
Mab ne sait ni lire ni écrire. Mub assume donc cette « responsabilité » de lire les lettres des enfants et d’écrire en retour. Tir est militaire ; il a été malencontreusement blessé à la jambe lors d’un exercice. Lir lutte contre un microbe qui contrarie sa relation professionnelle avec ses clients. Ni l’un, ni l’autre, ne pourront venir voir les parents.
Il s’ensuit une pièce désopilante, un peu cruelle, satire de la condition humaine où la famille est résolument moquée. Un drame à la fois bouffon et absurde, écrit avec beaucoup de justesse.
DULLA
Le Cirque Pandor ; suivi de Fort Gambo
Deux pièces de théâtre dans ce volume. Deux pièces de toute beauté où Marie Redonnet renouvelle magnifiquement son esprit inventif sur des thèmes mythiques : l’univers du cirque et le western.
Le Cirque Pandor, c’est d’abord une grande enseigne, et les difficultés du cirque à vivre, surtout depuis qu’Adar a créé Le Manège, pas loin, avec la volonté de faire mourir le Cirque Pandor. Mais c’est aussi la formidable énergie de Judie, la directrice, pour que le cirque produise un spectacle avec ses artistes les plus fidèles : Dina, la voyante, la Reine du cirque, Momo le nain, amoureux de Dina qui lui fera cadeau d’un couteau somptueux, une émeraude incrustée dans le manche, Licia, l’écuyère et Kola, l’acrobate, qui rêve d’un bateau. Autour du cirque, quelques personnages emblématiques : Nicha, parti avec Zabel, Sam qui tient la buvette, Martin qui rêve d’écrire un scénario de film. Un monde d’illusion qui culminera avec la création du « Grand Hôtel Pandor ».
Fort Gambo, voit arriver Wick Warren, scénariste, dont l’ancêtre, lieutenant à Fort Gambo, a affronté les indiens de la Montagne bleue. En mémoire de son aïeul, Wick veut tourner son premier film ici, à Fort Gambo. Arrive aussi à Fort Gambo une institutrice, Lorie, qui résiste aux pressions. Il faut dire que Fort Gambo jouxte une frontière et que forcément celle-ci alimente toutes sortes de trafics que Satt Buller, le shérif, tente de réduire. Une ambiance de parfait western avec le chasseur d’ours, Kopo, Dimmy qui traîne une chèvre… et un fusil, Lora, la chanteuse du saloon. Là aussi, un monde qui bascule dans l’imaginaire et la réalisation d’un film sur la Montagne bleue.
DULLA
Mobie-Diq
La pièce est organisée en 7 scènes le temps d’une semaine, du jeudi au mercredi.
Mobie, une femme, et Diq, son mari, sont dans une barque. Tango, le paquebot de luxe sur lequel ils fêtaient à la fois leur voyage de noces et leurs noces d’or a fait naufrage. Mobie et Diq dialoguent et ces échanges dans une barque qui dérive traduisent une relation où la tendresse et la gentillesse de l’un pour l’autre sont parfois perturbées par les discordances inhérentes aux rapports hommes/femmes.
Mobie a perdu ses lunettes et a du mal à voir à plus de dix pas. Diq lui transmet ce qu’il voit. Peu de choses en réalité. Et c’est pourquoi sans doute Mobie fixe son attention sur le sentiment qu’elle est enceinte, alors que Diq estime qu’elle devrait être ménopausée. Tension et dérive un tantinet fantastique (passage d’un hémisphère à l’autre, proximité des zones polaires) caractérisent la progression de l’action jusqu’au moment où la barque commence à prendre l’eau…
DULLA
Seaside
Seaside est une pièce de théâtre en 6 scènes. L’action se passe un 24 et un 25 décembre. Onie se rend à Seaside Hôtel ; son partenaire de danse, Endel, lui a laissé la clef de l’hôtel. Sa 4 CV toute neuve tombe en panne devant un bungalow où vit une très vieille dame dans un rocking-chair et une jeune fille, Lolie.
C’est la nuit de Noël et Lolie attend Lend, le mari de sa mère qui circule dans une barque sur le lagoon. Onie, ancienne danseuse étoile, est tombée d’une échelle et claudique. Elle sort de la 4 CV un magnétophone à piles et écoute de la musique de danse, mais aussi de films. Seaside est un lieu où se tournaient des films de cinéma muet.
Cette nuit de Noël est une nuit étrange, mystérieuse même où les événements se laissent dessiner de manière surprenante. Comme si chaque être était bousculé dans ses projets et que malgré tout une harmonie insoupçonnée naissait des soudaines rencontres.
Il y a aussi le jeune homme à la moto qui revient de Seaside et s’est perdu. Et le grand-père qui gare dans le hangar à bateaux toutes les voitures qui sont tombées en panne devant le bungalow.
La pièce de théâtre, ponctuée de didascalies, dégage une densité intense. Le lecteur familier des romans de Marie Redonnet retrouvera les thèmes qui lui sont chers, les objets et les accessoires récurrents dans l’œuvre : les enseignes, les robes et les souliers, les maquillages, et découvrira un univers qui ne laisse pas d’interroger sur les vies et les destins des gens.
DULLA
Le mort & Cie
Le mort & Cie est un long poème ou une suite de tercets, de petits groupes de trois vers. Comme on voudra. Ce qui est sûr, c’est que l’ensemble traduit une activité intense organisée par quelques personnages emblématiques des civilisations et des cultures du monde. Se fréquentent, s’associent ou s’opposent suivant les situations un chinois, des nains et même le plus petit des nains bien mis en valeur, le fou, le pendu, le maître, le roi, dieu, les apôtres, et quelques autres figures…
Dit autrement, le recueil propose à la lecture une série de sorte d’haïku en vers libres dont la concision renvoie à une imagerie et à des blasons célébrant la mort dans un jeu de miroir déformant de sorte que la place du mort n’est pas forcément perçue là où elle apparait.
DULLA
Jean Genet, le poète travesti
Marie Redonnet offre au lecteur un essai sur Jean Genet, l’un des plus grands écrivains du XXe siècle. D’entrée de jeu, elle avoue chercher une méthode pour interroger l’œuvre magnifique, d’une impertinence absolue, et d’une beauté irradiante. Elle trouve : elle fera un portrait de celui qui sera avant tout un poète en suivant le parcours biographique et littéraire.
Au commencement, il y a Jean Genet, l’enfant de l’assistance publique, qui devient voleur de livres et voleur de mots pour les réinventer. Cette haute conscience de voler à l’ennemi est aussi une opération plus universelle : l’invention de la poésie comme chant d’amour.
Jean Genet découvre Ronsard à la colonie pénitentiaire de Mettray ; mais c’est un peu plus tard que joue le déclic de l’écriture lorsqu’il réussit la description d’une carte postale, à la Noël 1939.
Le projet de Jean Genet n’est pas autobiographique ; il est légendaire. Il réussit à faire de sa vie une légende, c’est-à-dire dépasser la nécessité de vengeance et de trahison pour atteindre la rédemption. Il devient un saint. Ce faisant, il fait taire la voix du narrateur dans un genre littéraire, le théâtre, qui exige de l’auteur une morale dans son rapport au lecteur. L’idée de responsabilité et la volonté de réhabilitation sont à l’œuvre dans les pièces de théâtre que Jean Genet écrit. La théâtralité, le jeu avec l’image permet de traquer l’invisible, ce qui est de l’ordre du réel. Marie Redonnet raconte la scène du train où Jean Genet accueille cette révélation que tout homme est tous les hommes. La libération personnelle devient aussi une perspective collective. Le burlesque et le féerique travaillent une logique funéraire qui est basculement dans le rire et le rien. Le presque rien, devions-nous dire, car dans l’avion qui le mène à Tokyo, Jean Genet entend ce mot de l’hôtesse de l’air et qu’il ne comprend pas, mais qui le plonge dans une sorte de félicité : « Sayonara ».
Jean Genet devient alors « Un captif amoureux ». Le livre des souvenirs – dernière partie de l’essai – revisite les engagements du poète dramaturge qui témoigne de la réalité du monde sans passer par la fable. Celui-ci discerne chez les Black Panthers « une beauté neuve » et chez les Palestiniens la possibilité d’« écrire sur le réel de son rêve » suivant les mots de Marie Redonnet.
DULLA