Nouvelles de nulle part de William Morris

Nouvelles de nulle part, roman de William Morris, est une œuvre utopique. Un homme du XIXe siècle engagé dans la vie sociale raconte à ses camarades les aventures surprenantes qu’il vécut après une baignade dans la Tamise, un plongeon au fond de l’eau et un retour à la surface. Projeté en douceur dans un futur pas trop déterminé mais où les aïeuls continuent d’exister ‒ l’un d’eux, ancien bibliothécaire du Musée, est âgé de 500 ans ‒ l’homme devient l’Hôte de ses Voisins (tous s’appellent Voisins) qui le prennent pour un étranger et l’accueille ‒ il existe des Maisons d’Accueil ‒ avec chaleur et gentillesse et lui proposent de découvrir la contrée en voiture à cheval ‒ le mode ordinaire de déplacement.

L’Hôte découvre une vie nouvelle où les gens sont en gaieté et allégresse, ressent partout « une atmosphère de vacances », apprend que les prisons ont disparu, s’étonne de circuler parmi des paysages de jardins et non des zones d’usines, et s’interroge sur l’engagement volontaire des gens dans les travaux sans rémunération, même si le travail choisi est création vécue comme une contribution à la prospérité commune.

Les Voisins possèdent la mémoire des temps de malheur et de désolation. Dialoguant avec l’Hôte, ils lui expliquent comment les individus ont pu arriver à atteindre un horizon au-delà du « dernier stade de la civilisation », une époque où existaient ‒ sans vivre ‒ des esclaves portant « l’horrible fardeau de cette production inutile » ; où se perpétuaient les querelles d’intérêts privés, le droit de propriété, la tyrannie des hommes sur les femmes. Autrement dit, les facettes abominables de « la vie mercantile ».

L’Hôte, en route vers « le festin des foins », sans se découvrir, en des échanges plus personnels avec les femmes admirables qui lui sont présentées, avance dans la compréhension des temps « d’avant l’égalité » et révèle à Ellen qu’il a fait partie de « toute la laideur du passé ». Un âge où les esclaves voyaient dans les livres une manière de compenser « la détresse sordide de leur propre vie en imaginant la vie d’autres êtres. » Les livres maintenant permettent aux gens des « temps nouveaux » de mieux connaître le passé et d’éviter de revenir aux périodes « funestes, trompeuses et sordides ». Et l’Hôte de se délecter de « la profusion de beauté » émanant des travaux considérés comme des œuvres d’art, les gens ayant « appris à accepter la vie elle-même comme une joie », une entreprise exaltante.

La fin du roman est d’une clarté lumineuse où le lecteur de Nouvelles de nulle part se laisse aller à penser que la vie n’est pas nécessairement un rêve. Pourquoi pas une ère d’amitié, de repos, de bonheur ?