La médiathèque Naguib Mahfouz
La bibliothèque Naguib Mahfouz à la maison d’arrêt de Poitiers
La bibliothèque de la maison d’arrêt de Poitiers prend le nom de « bibliothèque Naguib Mahfouz ».
L’association D’Un Livre L’Autre qui gère et anime cette structure singulière de lecture depuis six ans a décidé de personnaliser un service public apparaissant, au regard des formes de développement des bibliothèques en milieu carcéral, comme très pertinent.
En effet, la volonté des partenaires, l’intelligence des décideurs, le professionnalisme des bibliothécaires ont engendré une formidable énergie qui s’est concrétisée par la création d’un espace conséquent (32 m² pour l’heure, et 78 m² en 1993), la constitution de collections multiples, la formation du détenu bibliothécaire, l’animation du lieu par la présence d’un bibliothécaire
professionnel […], la mise en place d’animations ponctuelles (invitation d’écrivains, de comédiens faisant des lectures, atelier d’écriture, atelier de lutte contre l’illettrisme…)
[…]
Pourquoi la bibliothèque Naguib Mahfouz ? Peut-on sérieusement parler bibliothèque sans dire l’Égypte ? Alexandrie est là, toujours, dans toutes les mémoires. Avec sa prison dorée, dirait Luciano Canfora, puisque la bibliothèque n’était ouverte qu’aux classes privilégiées. Elle était universelle ; elle sera internationale, tournée à la fois vers l’Orient et l’Occident, cette nouvelle
bibliothèque que le ministère de la Culture égyptien construit en collaboration avec l’Unesco. Lors de l’année du livre, voici déjà presque 20 ans, l’Unesco définissait la bibliothèque comme publique.
L’organisme des Nations Unies la chérissait comme l’espace où se joue par excellence le débat démocratique. Cet esprit, D’Un Livre L’Autre le fait sien dans son animation de la bibliothèque de la Pierre Levée. Il implique la mise en branle d’une publicité qui ne correspond pas à autre chose que la conquête du droit de citoyenneté dans un domaine où celui-ci n’a pas d’existence.
Naguib Mahfouz, l’homme du Caire, Prix Nobel de littérature, est assis dans cette proximité d’Alexandrie, c’est-à-dire dans une position où la vie donne sens à la littérature. La rue et les quartiers ‒ les bas surtout ‒ accueillent l’ombre de la plume qu’on imagine d’or. La poussière cristallise les démarches, l’agitation favorise les éclats, le temps soumet les vanités humaines. Que
reste-t-il de l’homme serré dans le carcan des traditions, sinon imaginer la liberté, écouter s’épanouir la voix intérieure qui s’épaissit en un reflet moiré des actes insensés et pensants. Et s’adonner à cette « puissante joie d’écrire » que remarqua André Miquel chez l’auteur de la Trilogie.
D’Un Livre L’Autre
Liseron 12/13, décembre 1990
Le crépuscule distillait une pénombre sereine…
Naguib Mahfouz
La Bibliotheca Alexandrina
Le 16 juin 1988 le directeur général de l’Unesco, Federico Mayor, posait la première pierre de la Bibliotheca Alexandrina sur les lieux mêmes où avait été érigée, à l’époque antique, la célèbre et légendaire Bibliothèque universelle. Le projet porté par l’Unesco et le gouvernement égyptien se développera de 1995 à 2002 et la Bibliotheca Alexandrina, bibliothèque internationale reliée aux autres bibliothèques du monde, sera inaugurée le 16 octobre 2002.
L’architecture magnifique de la Bibliotheca Alexandrina et la noble ambition de contribuer à construire la paix à l’échelle humaine en devenant un foyer de rayonnement intellectuel et artistique, un espace de recherches et de communications scientifiques, un lieu d’échanges et de dialogues entre les peuples et les civilisations, a forcément séduit les bénévoles de l’association D’Un Livre
L’Autre.
Que des personnes emprisonnées à la prison poitevine et fréquentant la bibliothèque se sachent reliées à la Bibliotheca Alexandrina, voilà une idée qui méritait d’être honorée. C’est pourquoi lorsque le 13 octobre 1988 le Prix Nobel de littérature est attribué à Naguib Mahfouz, l’association décide de nommer la bibliothèque du nom du grand écrivain égyptien. Celui-ci donnera son accord par l’intermédiaire de Pierre Bernard, son éditeur à l’enseigne de Sindbad.
Naguib Mahfouz, le romancier et l’histoire
Ce que le Prix Nobel a ajouté à l’œuvre de l’Égyptien Mahfouz, c’est de faire connaître à l’autre monde un grand romancier de notre époque, resté inconnu en Occident pendant des décennies pour raison politique et culturelle, ce dont les Arabes ne sont pas responsables.
Ce romancier était consacré dans son pays depuis de longues années. Ses romans puisent tant dans l’Histoire de l’Égypte qu’ils en deviennent une parallèle. Les romans de Mahfouz, lus par plusieurs générations dans tous les pays arabes, étaient traduits dans des dizaines de langues, étudiés dans divers pays non occidentaux avant que le monde soit surpris, « ainsi que les Arabes qui désespéraient du Comité du Nobel », par le couronnement de ce romancier.