L’ombre des hommes : roman de Marc Pellacoeur

Il s’appelle Max Hellacoeur, le personnage du roman de Marc Pellacoeur L’ombre des hommes. Par un bel après-midi d’automne ensoleillé, il passe la porte de la prison ‒ un garage à destin ‒ et commence à marcher. En fait il dit « Je » cet homme atteint « d’une flemmingite aiguë », ne supportant pas la sueur, et engagé en musardise. Pourtant pour ne pas revenir à « l’hôtel des six cents couverts », il accepte un job tranquille : l’envoi d’obus sans tête explosive sur un champ de tir. Mais il ne s’attardera pas, mettant un peu de conviction dans son éviction pour respecter la règle qu’il s’est donnée : la loi du petit coin tranquille où « respirer » est, à ses yeux, le seul travail supportable.

Alors Max Hellacoeur se lance dans les brèmes, les cartes à jouer, avec prudence et subtilité dans une association avec Claude, le truand, un homme qu’il ne faut pas contredire. « Un proverbe indien dit que l’on n’entend pas partir la balle qui nous tue ». Il y a les tables de l’après-midi avec les petites parties pépères et les nocturnes où les parties flambent. Du coup, le lecteur apprend toutes les figures du poker, toutes les astuces, bref, toutes les arnaques. Et puis, il y a les femmes, « les machines à tracas », des bouchonneuses, Rosine qui quitta Max pour Claude, Puce, la femme de Max, amoureuse envers et contre tout, qui a tâté de la prison aussi, avec son obsession de passer à la Télé dans l’émission « Tout à Cœur » avec son amoureux. Celui-ci résiste pourtant, lucide sur l’évolution de l’humanité : des arènes romaines à la Téloche, la Boite-Magie, pour les plaisirs des gens. Cruelle vision de l’humain.

Et puis, ça se gâte quand Pépito, ami de Puce, homme à tout faire dans l’arrangement des tables, hérite de sa mère. Claude et Rosine ont un plan que le narrateur, à la mesure de son personnage, tente de dévier en agissant discrètement, tout en finesse, « des précautions mille indiens ». Car l’homme est toujours d’une prudence exquise dans ce monde d’escrocs et de bandits, un rien mélancolique et un brin sarcastique où reviennent régulièrement des références à la Seconde guerre mondiale, époque bien chargée en termes de descente aux enfers.

Marc Pellacoeur invite le lecteur à partager son scepticisme dans une langue aux marges de l’argot, avec des dialogues comme on en entend dans les cours de prison. Soit une allégresse tempérée. De quoi se faire une tragédie du monde.